Soutenance HDR Ronny Lauerwald

23 juin 2025

Campus-Agro Paris-Saclay, 22 Place de l’Agronomie, 91120 Palaiseau, France Bâtiment A, Amphithéâtre A1

Rôle des eaux continentales dans le cycle global du carbone et les bilans de gaz à effet de serre

Résumé des travaux :

Les eaux continentales – y compris les ruisseaux, rivières, lacs et réservoirs – sont des composantes essentielles du cycle global du carbone (C). Elles jouent à la fois le rôle de vecteurs pour le transport du carbone des terres vers les océans, et de réacteurs biogéochimiques dynamiques transformant et émettant des quantités substantielles de gaz à effet de serre (GES). Alimentés par des apports de carbone allochtones provenant des paysages environnants, ces systèmes sont des sources nettes significatives de CO2 vers l’atmosphère. De plus, les conditions réductrices et les forts gradients redox présents dans les milieux aquatiques favorisent la production et l’émission de GES plus puissants tels que le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O). Bien que les eaux continentales soient reconnues comme des sources importantes de GES atmosphériques, les estimations globales restent très incertaines en raison de la rareté et de la répartition inégale des données d’observation.

De manière similaire, les quantités de carbone perdues par la biosphère terrestre vers les milieux aquatiques sont encore mal contraintes, bien qu’elles soient potentiellement comparables en ordre de grandeur au puits de carbone terrestre – c’est-à-dire à la part des émissions anthropiques de CO2 absorbée par les écosystèmes terrestres. Ainsi, toute variation dans les flux de carbone des sols vers les eaux continentales, induite par le changement climatique ou l’usage des terres, peut avoir un effet significatif sur la force du puits terrestre, et introduire une incertitude critique dans les projections des concentrations futures de CO2 atmosphérique.

Mes recherches ont précisément visé à combler ces lacunes, en développant des estimations spatialisées des émissions de GES par les eaux continentales, et en intégrant ces processus dans les modèles de surface continentale. J’ai dirigé l’implémentation des processus de transport et de transformation du carbone issu des sols dans le modèle français ORCHIDEE, marquant une avancée majeure, les modèles traditionnels ne représentant pas les eaux continentales comme voies latérales de transfert du carbone ni comme sources de GES. Ce travail a mis en évidence des biais dans les estimations du puits de carbone terrestre lorsqu’on néglige ces processus. À partir d’une première application sur le bassin amazonien, j’ai étendu ces travaux, via la co-supervision de doctorants et de postdoctorants, à d’autres régions telles que le bassin du Congo, l’Europe et les grands fleuves arctiques. Par ailleurs, j’ai contribué à des développements similaires dans le modèle britannique JULES, incluant des simulations globales du lessivage du carbone organique dissous (COD) depuis les sols, et son impact sur les bilans de carbone du sol.

Ces recherches ont mis en évidence des contrôles hydrologiques et végétatifs distincts sur la mobilisation du carbone vers les milieux aquatiques, variables selon les régions et les formes de carbone. Par exemple, une augmentation de la productivité végétale tend à accroître le lessivage du COD (et donc les émissions de CO2 fluvial), pouvant ainsi compenser en partie les gains en stocks de carbone dans les sols, tout en réduisant simultanément l’érosion des sols et les exportations de carbone organique particulaire (COP). Ces dynamiques sont également modulées par les évolutions régionales du climat. Dans le bassin du Congo, l’augmentation des précipitations et des inondations accentue l’export de COD et l’évasion de CO2. Dans les bassins arctiques, le dégel du pergélisol modifie les chemins d’écoulement souterrains, réduisant ainsi le transport de COD. L’ensemble de ces travaux permet une représentation plus complète des liens entre les compartiments terrestres et aquatiques du cycle du carbone, renforçant leur intégration dans les modèles du système Terre et améliorant notre capacité à projeter les rétroactions futures entre le climat et le cycle du carbone.

Composition du Jury :

 Prairie, Yves, Professeur, Université du Québec à Montréal (Canada) - rapporteur
 Ludwig, Wolfgang, Professeur, Université de Perpignan Via Domitia - rapporteur
 Warneke, Thorsten, Professeur, Universität Bremen (Allemagne) - rapporteur
 Garnier, Josette, Directrice de Recherche, CNRS - examinatrice
 Personne, Erwan, Professeur, UPSaclay/AgroParisTech - examinateur